mardi, avril 25, 2006

L'ascension de l'âme en fête


ASSEMB01AJAV01-2
Vidéo envoyée par valoafric
En Afrique noire, le deuil est une occasion de retrouvailles qui donne aux personnes éplorées l'avantage d'accompagner en compassion festive, l'ascension de l'âme du disparu

lundi, avril 24, 2006

Et si l’esclavage m’était conté


Entretien avec Tchatcha VII depuis Ouidah

Remonter dans le temps pour comprendre les manifestations du commerce triangulaire est un facteur de synergie pour identifier les acteurs ayant rendu célèbre dans le passé, le Port de Ouidah sur le Golfe du Bénin. A ce propos, Mito Honoré Féliciano de Souza, Tchatcha VII, Chef de la collectivité de Souza du Bénin et du Togo, apporte sa partition dans la présente œuvre de mémoire à valeur de forum.

Il offre aux cybernautes de ‘’Les Valeurs Ouest africaines’’, sa traduction de l’expérience de son ancêtre au XVIIIème siècle, Don Félix Francisco de Souza ayant pour nom de souverain Tchatcha 1er, au titre de vice Roi du Danhomé est connu pour son dynamisme dans le développement du commerce triangulaire.

Traitement humain des prisonniers de guerre
«Erigé au rang de second personnage du Royaume du Danhomé, Don Félix Francisco de Souza dit Tchatcha s’établit à Ouidah. Dans le cadre de ses fonctions, il recommanda à son ami Guézo, Roi du Danhomé l’idée d’un traitement humain des prisonniers de guerre autrefois décapités. Il s’agit de les mettre en esclavage, une activité tristement florissante de l’époque. Ainsi les captifs ramenés des différentes guerres ou razzia échappent à la mort. Vendus aux négriers et acheminés vers le Nouveau monde, ils servirent à produire le café et le sucre dans les plantations de leurs maîtres.

Bien entendu, cette mesure dont il fut l’initiateur, l’autorisa à disposer des meilleurs atouts pour réaliser les transactions d’esclaves. Aussi, le port de Ouidah améliora-t-il son dispositif à soutenir l’accroissement du trafic.

Pour les uns, Tchatcha est perçu comme un médiateur bienveillant entre le peuple et son Roi. Pour les autres, le Vice-roi est un généreux libérateur des prisonniers de guerre La collectivité de Souza jouit pleinement des délices de cette réputation que le temps n’a pu altérer. Dès lors, ses descendants vivent de génération en génération, en parfaite harmonie avec ceux des esclaves retenus à Ouidah, après l’abolition de l’esclavage. Aucune situation déplorable n’a été signalée. Les populations vivent en harmonie dans la belle et vieille cité de Kpassè. C’est heureux de citer en exemple Chantal de Souza, la Première Dame du Bénin et épouse de Thomas Boni Yayi, Président de la République.

L’innocence comme atout majeur
Don Félix Francisco de Souza fut abusivement prisonnier du Roi Adandozan, De cette épreuve émerge sa résolution de protéger les personnes dont la liberté est confisquée pour raison de guerre.
En effet, Tchatcha est arrivé du Brésil à Ouidah à l’âge de 34 ans pour travailler au Fort Portugais au titre de Commandant. Après sa démission, il s’est installé à Badagry au Nigéria et créa des comptoirs commerciaux avec le Brésil où il retourna Il revint à nouveau s’établir à Anécho au Togo. Ses relations d’affaires avec le Roi Adandozan lui ont valu le harcèlement. Il fut arbitrairement prisonnier de celui-ci alors qu’il tentait de recouvrer ses créances. Convaincu de son innocence, Gankpé, demi frère du Roi a facilité son évasion de la prison. Réfugié à Anécho, via Savalou et Atakpamé, il aida en retour de l’ascenseur, son libérateur à renverser du trône le souverain persécuteur. ²Gankpé devient alors Roi Guézo du Danhomé et Tchatcha 1er , le Vice Roi.

Facteur de synergie
Pour l’équilibre de notre monde en proie à l’égoïsme et à la violence, le rapprochement entre les peuples est un facteur de synergie. A ce propos, tous les descendants de Don Félix Francisco de Souza se joignent à moi pour dire publiquement pardon aux victimes de cette tragédie et à leurs ayants droits. Il est plus juste de reconnaître cette activité comme un crime contre l’humanité. Si telle est l’implication de la famille de Souza dans le commerce des esclaves qui donne lieu à diverses manifestations culturelles de souvenirs Tels le Panafest au Ghana, le Festival Ouidah 92 et Festival Gospel et racines au Bénin; c’est plutôt notre devoir d’accompagner cette dynamique

Nouvelles passerelles de solidarité
L’intention de permettre à des descendants d’esclaves vivant hors du continent africain de retourner à leur origine, sur la terre de leurs ancêtres, notamment à Ouidah, est louable. Par cette ouverture au dialogue, nous créons des passerelles de fraternité, utiles à l’enracinement de notre vocation historique à coopérer, à partager et à accueillir. Notre devoir est d’atténuer les douleurs et les frustrations émergeant du souvenir de l’esclavage comme une origine du sous-développement et de la misère des peuples africains.
A cet effet, nous, Tchatcha VIII, septième successeur de Don Félix Francisco de Souza, établissons avec les milieux politiques et culturels du Brésil, terre natal du Vice roi du Danhomé notre ancêtre commun, des initiatives de synergie afin d’ériger un pont durable et fraternel et d’échanges entre les communautés brésiliennes et béninoises.
Réciproquement, les officiels brésiliens viennent à Ouidah en visite officielle d’amitié et de travail. Ils ont pris acte de l’existence de la collectivité de Souza au Bénin et au Togo, de son organisation et de ses activités. Nous sommes constamment conviés au Carnaval de Rio. La réalité des charges jugées très onéreuses pour rendre effective la participation de notre délégation est une raison de notre absence au Carnaval. Ces occasions permettent aux différentes composantes de la collectivité de Souza, du Bénin et du Togo de se rappeler de leur racine et de vivre harmonieusement leurs valeurs culturelles d’origine. La redynamisation de la musique brésilienne ‘’bourian’’ est une expression de notre volonté.
De même, en visite officielle au Bénin, le Président Inacio Lula da Silva en foulant le sol de Ouidah au mois de février dernier, a rappelé : « les hommes et les femmes du continent africain sont exportés vers l’Amérique en qualité d’esclave pour aller travailler dans les plantations Ainsi, grâce à leurs souffrances et à leur travail, ils sont arrivés à construire ce pays … il n’est plus question de se souvenir encore de ce passé douloureux mais de penser à l’avenir »

Notre charge au quotidien
Depuis notre accession en 1995 au trône du 7ème successeur de Tchatcha 1er, nous nous déployons dans les projets favorables à l’émergence de l’unité et de la paix entre les différentes composantes des descendants de Tchatcha vivant au Bénin et au Togo. Cette vision se traduit par la mise en œuvre de diverses actions de rassemblement, notamment : offrir à chacun un gîte dans la maison de notre précurseur. Aussi, explorons–nous les possibilités de réaliser ensemble l’entretien et la sauvegarde de notre héritage dont les reliques révèlent le talent des artisans du 19ème siècle.

Enfin, participer au retour des descendants d’esclaves vers leur terre d’origine, est un chantier porteur d’espoir pour le développement économique et culturel de l’Afrique et du Bénin »

vendredi, avril 21, 2006

Quand le tèkè s'ébranle


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Vidéo envoyée par valoafric

Folklore du Bénin

Les expressions culturelles au Bénin sont d'une richesse artistique, faite de gestes, de couleurs, de son, de traditions et de culte. Cette vidéo illustre un modèlé extrait du support réalisé par Les ''Ballets du Bénin'' de Télesphore Sagbohan.

C'est ici le moment de découvrir et d'aimer le tèkè, un rythme du septentrion dont s'emparent les princes Batoonu pour indiquer qu'un événement est joyeux.

En Afrique noire, la joie de vivre est consacrée à chaque instant. Elle se manifeste par le sourire qui se donne mutuellement et aisément, sans crainte et sans intérêt. L'expression artistique se découvre gratuitement et gracieusement sous un soleil qui éclaire l'ensemble des mouvements à jamais fixés dans le temps et dans l'espace.

mardi, avril 11, 2006

Le souverain face à l’opinion publique au Bénin


Quel dommage d’avoir à se faire élire ?

Les gouvernements ont un juge infaillible : l’évènement
La volonté nationale de changement décidée dans le silence des urnes, à l’issue des élections présidentielles est bel et bien un éloquent exemple d’évènement qui oriente les décisions du Président Thomas Boni Yayi désigné dans l'arène politique "Aigle de Tchaourou".
N’étant l’homme d’aucun parti, ni d'aucun système, il se configure à son l’investiture à la magistrature suprême, le 6 avril dernier, l’homme d’un combat. Deux jours plus tard, l’Aigle de Tchaourou, apparaît comme l’homme d’une politique, en présentant à la nation son premier gouvernement. Aujourd’hui, il incarne l’homme d’une espérance, en fondant ses directives sur la volonté du changement.
Bien qu’à l’écoute du peuple, il est injuste de constater que l’opinion rivalise d’échos pour rappeler au souverain, le changement qui constitue la norme des dispositions politiques au Bénin. Alors, quel dommage d’avoir à se faire élire ?

Pourrait-il en être autrement ?
Non. Dès lors que le Chef de l’Etat s’est inscrit dans la logique du changement, il devient prudent dans ses mouvements:
- Evitant de récupérer les Chefs de parti en leur offrant un portefeuille ministériel, il valide son discours sur la qualité des hommes, la rigueur et le détachement en matière de gouvernance.
- Aussi, est-il réservé à l’égard de ses partisans en réduisant les risques d’asservissement de son gouvernement à des manipulations démagogiques et partisanes.
- Pour le choix de ses ministres, le premier magistrat du Bénin s’est donné des critères pouvant soutenir son aptitude à exercer aujourd’hui, demain et plus tard, la fonction d’arbitre entre les communautés et entre les partis. Il s’est employé à instruire ses services de renseignement, de vérifier la double compétences de manager et de leader de ses collaborateurs pour justifier leur vocation individuelle et collective à reconstruire le Bénin. L'enjeu, c'est d'offrir à ses citoyens une classe politique convenable et pourquoi pas nouvelle ?
En effet, l’Aigle de Tchaourou se distingue par sa vision de la gestion de la chose publique qui autorise le plus grand nombre à discerner son attachement aux convictions de démocratie et de croissance. A présent, les leaders politiques sont coupés des Béninois parce qu’ils n’apportent pas de réponses crédibles à leurs problèmes. On ne les croit pas capables d’en apporter. C’est justice d'envisager le renouvellement des acteurs animant la vie politique. A ce propos, l’irresponsabilité présidentielle ne sera plus tolérée. Les Béninois l’ont mal vécue pendant quarante six années successives comme une résignation, un mal gratuit pour maintenir la paix sociale. En observant l’impunité des élites indélicats enclin à la délinquance administrative, les Béninois désespèrent d’une gangrène avérée du service public.
Il faut avoir le courage de le reconnaître : les hommes politiques et leurs acolytes sont directement mis en cause. Il est question de corriger leur incapacité à agir sur la corruption qui renforce le chômage des jeunes, l’exode rural, la misère et l’insécurité.

De quel changement s’agit-il ?
Le peuple béninois à l’origine du changement est à la fois surinformé et manipulé, traditionaliste et rénovateur, sédentaire et aventurier, pauvre et riche, patriote et impatient. Le Président Boni Yayi plébiscité pour accomplir ce changement est soumis aux manifestations de l'évènement qu’il s’efforce à traduire et à rendre opérationnelle, suivant sa compréhension de la volonté nationale. Au risque de démériter, l’Aigle de Tchaourou ne peut se faire justice à lui-même, encore moins à ses partisans pour disposer d’un gouvernement de partisans. Quel dommage d’avoir à faire élire son candidat, sur la base d’un projet de société jugé à présent caduque au regard des exigences des Béninois ?
La responsabilité de l’Aigle à faire en sorte que les descendants de Bio Guéra, de Béhanzin et de Toffa vivent mieux, expriment, développent et accroisent leur attachement à la démocratie et à la réduction de la pauvreté mérite d’être compris de son entouirage. Pour participer à cet objectif de la vie quotidienne de l’Etat, il faut disposer de la double compétences de manager et de leader. Savoir agir pour rendre compte suivant les résultats c'est fonder à présent l’avenir en oeuvrant pour améliorer inéluctablement les conditions d’existence des populations.
Quelle que soit l’efficacité recherchée dans la mise en œuvre des activités du gouvernement, la responsabilité du Chef de l’Etat est unique. En se mettant en phase avec la volonté nationale, l’Aigle de Tchaourou fait-il échouer sa propre volonté. En restant indifférent aux débats sur sa victoire aux élections présidentielles, le souverain se hisse-il au dessus des intérêts partisans. En se libèrant de la gestion du quotidien, s’affirme-t-il brutalement à jouer le rôle de conciliateur entre le peuple et sa classe politique d’une part et celui de régulateur du fonctionnement des institutions de la République d’autre part. L’animation et la gestion du gouvernement, de l’assemblée nationale, de la Cour constitutionnelle, de la commission électorale et de la haute cour de justice est régie par la constitution dont il est le garant.
Au regard de ce qui précède, le lecteur pourrait tenter de compléter les critères d’identification et de sélection des ministres, conseillers et autres collaborateurs de l’actuel Président de la République du Bénin. Notons en passant qu'en s’efforçant à gérer sa victoire avec humilité, l’Aigle de Tchaourou innove déjà. Est-ce cela le changement
A suivre

mardi, avril 04, 2006

L’avancement au mérite

Controverse sur une vision à combattre

Depuis environ quarante deux ans, l’Etat béninois est confronté à un dilemme presque permanent. Les recettes du budget national ne suffisent pas à assurer le paiement intégral des salaires et accessoires des travailleurs de la fonction publique dont l’effectif ne suffit guère à satisfaire les besoins en ressources humaines du service public.

Il apparaît que le problème ne serait pas pour autant résolu si l’Etat prenait la décision absurde de renoncer aux dépenses de souveraineté et à celles des programmes d’investissement public (PIP). Aussi, ce casse-tête dure-t-il depuis 1963, quels que soient les gouvernements et les régimes politiques qui se sont succédé dans notre pays.

Historique
Aux grands maux, les grands remèdes, dit-on souvent. Au Bénin, les remèdes de cheval auxquels les gouvernements successifs ont eu recours sont les suivants :

1. Dès 1963 l’abattement de 5 %, puis 25 % en 1968 sur les salaires des travailleurs qui sont administrativement avancés et promus conformément aux dispositions du statut général des agents de la fonction publique. Certes, durant les années de gloire de l’ancien régime du Parti de la révolution populaire du Bénin, favorisé par le boom pétrolier des années 70 à 80 et par la prospérité conjoncturelle de notre grand voisin le Nigeria, la croissance économique a permis au gouvernement d’inspiration marxiste-léniniste de lever la mesure d’abattement de 25 % sur les salaires à partir de 1974. Mais très vite la gabegie des ressources financières de la nation et des sociétés d’Etat, la corruption, les détournements des biens publics, la faillite des banques nationalisées, etc. ont eu raison de cette euphorie de la « société où il fera bon vivre pour chacun et pour tous ». Qu’il nous souvienne que dès 1986, cette situation a contraint l’Etat béninois en cessation de paiement à se rendre aux cabinets des ‘’Médecins’’ de Bretton Woods, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale qui, depuis douze ans recommandent à notre pays à économie malade, des traitements de choc, appelés programmes d’ajustement structurel très contestés par les travailleurs, mais en réalité incontournables et ‘’perdurables’’. N’en déplaise aux centrales syndicales. Malgré sit-in, marches de protestation, grèves, depuis 1986 les gouvernements successifs appliquent entre autres les ‘’conditionnalité’’ salariales des programmes d’ajustement structurel (PAS).
2. De 1986 à 1994, la suspension du recrutement des agents dans la fonction publique et du paiement de l’indemnité de résidence ou l’abattement de 10 % sur le salaire de base déjà insuffisant.
3. De 1988 à 1993, l’incitation à l’aventure du départ volontaire de la fonction publique dont plusieurs milliers d’agents ont adhéré au principe d’obtention de primes pour se retrouver pour la plupart plus démunis que jamais.
4. En 1993, le départ forcé dit ‘’ciblé’’ d’environ deux mille agents de la Fonction publique. Il en est résulté un dégraissage de la Fonction publique dont l’effectif est passé d’environ 49 000 agents en 1986 à 31 500 agents en 1997. Ce qui, selon les prévisions optimistes, devrait permettre à l’Etat béninois d’assurer une meilleure rémunération à ses travailleurs encore en activité.
Loin s’en faut, puisque force a été de constater que les ‘’conditionnalités’’ salariales précitées et proposées par les institutions de Bretton Woods, ne sont pas une panacée étant donné qu’en 1998 les salaires sont payés avec un retard de quatre échelons, c’est-à-dire à l’indice réel de 2000, soit un moins perçu sur salaire de six ans de services effectifs représentant 30 % en moyenne d’abattement.

Le Système d’avancement en vigueur
Le système en vigueur fixé par les articles 56 à 64 de la Loi n° 86-013 du 26 février 1986 portant statut général des agents permanents de l’Etat organisent les avancements comme ci-après :
1. L’avancement d’échelon ou évolution de la carrière à la verticale à l’intérieur d’un grade donné, est automatique pour les agents titularisés et a lieu tous les deux ans.

2. L’avancement de grade ou promotion ou encore l’évolution de la carrière à l’horizontale se fait au choix et à l’ancienneté par une commission paritaire nationale. il est établi tous les ans un tableau d’avancement sur lequel sont inscrits par ordre de mérite les agents proposables sur la base des notes et appréciations qui leur sont attribuées par leur chef hiérarchique respectif au cours des trois dernières années précédant l’année de promotion. Dans le souci de contenir la masse salariale l’article 9 du statut général susmentionné fixe par pourcentage les nombres maxima des candidats à promouvoir dans chacun des quatre grades des corps des personnels de la Fonction publique, soient : 40 % pour le grade initial à quatre échelons automatiques, 30 % pour le grade intermédiaire à trois échelons automatiques, 20 % pour le grade de la classe normale à trois échelons automatiques du grade terminal, 10 % pour la classe exceptionnelle à échelon unique du grade terminal et enfin sans pourcentage pour le grade hors classe à échelon unique. C’est le système de péréquation au terme duquel les agents particulièrement méritants atteignent le grade le plus élevé, hors classe, après vingt deux ans de services effectifs tandis que les agents les moins méritants ‘’péréqués’’ pendant deux années au passage de chacun des grades, l’atteignent eux aussi bon an, mal an, au bout de vingt huit années de services effectifs.


La controverse
Eu égard aux explications qui précèdent, les centrales syndicales et bien sûr la majorité des travailleurs soutiennent que le système actuel d’avancement d’échelon automatique couplé avec un avancement de grade régulé par la péréquation est autant valable et efficace que l’avancement au mérite. Alors, l’on devrait comprendre la controverse actuelle sur l’efficacité de la panacée que serait l’avancement au mérite.
L’embarras des gouvernements est qu’avec le système en vigueur tous les fonctionnaires y compris les moins méritant atteignent au plus tard, après vingt huit ans de services effectifs, le grade le plus élevé de leur corps avec toutes les contraintes budgétaires que cela comporte comme dépenses obligatoires votées que sont les masses salariales en constante augmentation.

Le gouvernement croit pouvoir désormais ‘’geler’’ ou tout au moins contenir cet accroissement ‘’pathologique’’ des dépenses salariales par le système d’avancement au mérite dont les tenants et les aboutissants sont encore très controversés.

A tort ou à raison, les travailleurs les plus sceptiques qualifient le système d’avancement au mérite de blocage de salaire qui ne dit pas son nom et qui pénalisera la majorité des agents de la Fonction publique béninoise. Le gouvernement s’en défend et rappelle qu’il faut commencer un jour ou l’autre à mettre en œuvre le plan de la réforme et de la modernisation de l’administration publique béninoise, conçu et arrêté par les Etats généraux de la Fonction publique et de la modernisation de l’administration, tenus du 12 au 16 décembre 1994.

Le gouvernement soutient qu’il est urgent et impérieux d’appliquer le point 8 (alinéas 4 et 5) du plan précité, qui ‘’recommande la valorisation des ressources humaines et le renforcement des capacités nationales de gestion par l’instauration d’une politique conséquente de suivi, de contrôle et de rémunération de la fonction publique, et d’un système d’avancement et de promotion dans la fonction publique fondée sur le mérite et la productivité. ‘’

Il en est résulté un projet de loi introduit par le gouvernement et relatif à l’avancement au mérite. Par rapport à la loi n° 86-013 du 26 février 1986 actuellement en vigueur, les innovations dudit projet de loi sont : la suppression de la catégorie E dont les emplois seront désormais exécutés par contrat, la réduction du nombre des grades de quatre à trois, l’instauration du mode de recrutement sur poste, la remise en cause de la confidentialité de la notation à laquelle l’agent sera désormais associé à travers la fixation d’objectifs préalablement définis avec lui.

Les débats à l’Assemblée nationale sur ledit projet de loi ont révélé d’une part, un consensus entre le gouvernement et le parlement pour l’adoption des innovations susmentionnées, et d’autre part, une vive controverse sur la réforme de la carrière et de la rémunération des agents de la fonction publique. Au terme de cette réforme, l’avancement d’échelon restera automatique et garanti par un système de progression automatique de la solde de base de tous les agents à l’ancienneté. Il sera doublé d’un système sanctionnant le résultat de l’appréciation des performances sous la forme d’une prime de performance.

La pomme de discorde est la suppression de l’automaticité de l’ancien système d’avancement de grade (ou promotion) après un maximum de deux années de péréquation. Désormais, la promotion ou le grade s’obtiendra à la fois par la justification de l’ancienneté et par celle de l’acquisition de nouvelles compétences. Autrement dit, les agents de la fonction publique seront désormais promus ou plus précisément avancés au mérite, après l’évaluation de leurs compétences nouvelles et de leurs performances, basée sur une méthode de gestion par objectifs assignés à chaque entité de l’Etat.

Surtout, ils le seront au prorata des disponibilités financières de l’Etat. Le nouveau système d’avancement de grade baptisé ‘’avancement au mérite’’, en remplacement de l’ancien système à péréquation maximale de deux années, sera-t-il à durée déterminée ou indéterminée ?
Les centrales syndicales ont amendé l’article n° 58 dudit projet de loi dans le sens de la fixation d’une durée maximale de huit ans.

Face à la ‘’conditionnalité’’ de l’avancement au mérite à durée indéterminée et relative au troisième programme d’ajustement structurel indispensable au financement de nos futurs programmes d’investissement public, le gouvernement actuel semble peu préoccupé par les préalables et le caractère élitiste dudit système d’avancement. Des interventions des ministres interpellés par le parlement, il ressort que le gouvernement cherche plutôt à obtenir à tout prix l’adhésion des travailleurs sous la forme de protocole d’accord avec les centrales syndicales.

Du reste, le sort des travailleurs dépendra des amendements que nos honorables députés porteront aux articles 9, 58 et 69 de ce projet de loi.
En effet, avec la loi votée par l’Assemblée nationale le mardi 15 septembre 1998 par 46 voix pour 36 contre et zéro abstention le système d’avancement au mérite n’accorderait ‘’d’avancement de grade’’ qu’à une minorité d’agents très méritants et performants dans l’exécution des objectifs fixés.

A la limite, notre fonction publique serait à l’instar de ‘’l’ordre national des décorés’’, un nouvel ‘’ordre national des fonctionnaires excellents au mérite.’’ C’est certainement un idéal noble de récompense aux agents qui satisferont aux obligations de résultats. Mais cette solution est-elle la panacée pour résoudre le problème de l’insuffisance ‘’perdurable’’ des ressources financières du budget national qu’on est tenté de considérer comme une fatalité qui frappe notre cher et riche pays, le Bénin à Etat paradoxalement pauvre ? L’expérimentation de ce nouveau système nous permettra d’en savoir plus.

A suivre

lundi, avril 03, 2006

Les réformes du service public

Etincelles dans la nébuleuse de la bureaucratie

Une pluie de réformes a ruisselée dans les profondeurs de l’administration centrale, en vue d’emporter sur son passage les immondices d'inaptitude professionnelle, de délinquance administrative et d’inefficacité dans la gestion des affaires publiques. Normalement, l’orage aurait pu nettoyer, désinfecter et ranimer les procédures réglementaires obsolètes en orientant les missions de l’Etat vers le résultat et la performance. C’est bien l’émergence de la culture du succès contre ce que le langage populaire appelle ‘’bureaucratie’’ au Bénin qui échoue inexorablement.

L’aigle de Tchaourou appelé dans le silence des urnes, à faire valoir sa dextérité à réussir ce pari de la modernisation de l’administration publique, là où ça piétine, oblige les travailleurs à l'expectative, dans le cadre d'une période de grâce bien limitée.

Pour reconnaître les bienfaits de la bourrasque des reformes du service public, le gouvernement en fin de mandat, réunit en Conseil des ministres du 24 avril 2005, a adopté la création, l’organisation et le fonctionnement des structures de concertation, de coordination et de gestion de la réforme administrative.

Dès lors que le cyclone du changement s’ajoutant aux réformes en cours, forment à présent de lourds nuages qui ne cesseront d’arroser l’administration centrale et de purifier les formalités administratives de tout genre.
Il convient d’éclairer le lecteur sur effets respectifs, en vue de prévenir d’éventuelles confusions :

1.La réforme de la décentralisation se poursuit depuis les élections municipales du 15 décembre 2002. Elle divise le Bénin en 77 communes auxquelles est transférée respectivement la responsabilité de l’éducation de base, des pistes rurales, des services de santé de base, d’approvisionnement en eau et de l’utilisation durable des ressources naturelles.

2.La réforme budgétaire en cours, transfère des compétences considérables aux ministères sectoriels grâce à la fusion du budget de fonctionnement de l’Etat et du budget d’investissement en un seul budget. L’introduction d’une budgétisation axée sur la performance donne lieu à l’élaboration des programmes d’action triennaux suivis de prévisions financières. De même, la création d’une Cour des Comptes autonome relèvant actuellement de la Cour Suprême fait également partie de cette réforme.

3.La réforme de la Fonction publique mettra un terme à la promotion automatique par ancienneté et introduit l’avancement et la rémunération au mérite.

4.La réforme du système judiciaire s’attelle à renforcer l’efficacité du secteur correspondant et à susciter le rapprochement aux justiciables à travers la création de tribunaux de première Instance dans tous les chefs-lieux de département. La création de deux Cours d’Appel supplémentaires est intégrée. La réforme a prévu l’organisation d’un programme de formation continue au profit des juges.

5.La privatisation des sociétés d’Etat limite le rôle du secteur public dans la production en s’appropriant les principes de l’économie libérale.
Force est de constater que la mise en œuvre de l’ensemble des réformes imprègne lentement le quotidien des populations en général et les conditions de travail des travailleurs en particulier. Elle participe de la consolidation de la croissance économique et de la réalisation des stratégies de lutte contre la pauvreté.

L’espoir placé dans le sérieux de la candidature de Thomas Boni Yayi assure le plus grand nombre, acteurs de la société civile, du secteur privé et du service public des changements dans l’organisation du travail.
Bien entendu, la réforme de la fonction publique, la réforme budgétaire, la réforme de la décentralisation et la privatisation des sociétés nationales, ont des effets induits sur la vie sociale.

La logique des reformes
Les efforts à consentir par le prochain gouvernement pour élaborer et mettre en œuvre toutes ces réformes, viseraient à consolider la stabilité macroéconomique, à promouvoir l’emploi, à encourager la participation des populations les plus pauvres, aux activités génératrices de revenus, à lutter contre la corruption, à renforcer la démocratisation et la décentralisation, et, à faciliter l’accès à l’éducation de base, à l’alphabétisation, aux soins de santé primaire et à l’eau potable.

En guise de bilan, les objectifs à atteindre par le gouvernement, aux termes du mandat présidentiel du Général Mathieu KEREKOU, en mars 2006 sont définis comme suit : réduire la part de la population du seuil de la pauvreté de 32 à 24 % dans les zones rurales et de 22 à 19 % dans les zones urbaines, limiter la mortalité infantile à 1,1 %, assurer l’accès à l’eau potable à 48 % des zones rurales et favoriser l’accès à l’école de base à 87 % des Béninois.

Qu’en est-il de ces promesses sans lendemain ?
La logique des reformes procède de la réalisation d’un cadre favorable à l’émergence du secteur privé en vue de promouvoir l’investissement aux niveaux international et national. Cependant, le constat d’une faiblesse nationale en matière de compétence professionnelle pose le problème de l’éducation considéré ici comme un facteur essentiel de la stratégie de lutte contre la pauvreté.

Situation de l’éducation au Bénin
Au Bénin, l’éducation privilégie l’élite au détriment des autres couches de la population. L’insuffisance des structures d’encadrement de la population à scolariser et l’analphabétisme prononcé donnent lieu à la présence chaque année sur le marché de l’emploi d’une majorité de Béninois sans éducation formelle et sans qualification requise. Cette réalité contraste avec la minorité d’élites bien formées et initiées aux valeurs de la civilisation moderne. Les effets négligeables de la contribution du secteur de l’éducation, freinent le développement économique en général et celui de l’agriculture, de la santé, de l’artisanat, du tourisme et de l’innovation technologique en particulier,
Les réformes en cours vise à soutenir la stratégie de lutte contre la pauvreté qui prévoit des actions insistantes en matière d’éducation. En réalisant un état des lieux, on peut comprendre les mesures adoptées et mises en œuvre par le gouvernement.

Le ministère de l’enseignement primaire et secondaire s’est fixé pour objectif de donner une éducation appropriée à tous les enfants béninois en prenant au sérieux le problème de l’accroissement rapide de la population et les différentes solutions politiques correspondantes. A ce titre, l’exonération à 100 % des droits d’écolage est une réalité en faveur des jeunes filles dans les établissements d’enseignement primaire public, localisés dans les zones rurales, telles que définies par le découpage territorial en vigueur au Bénin. Cette mesure sociale décrète que toutes les filles des milieux ruraux en âge scolarisable doivent être inscrites sans paiement de droit d’écolage.

La formation de techniciens compétents et d’ouvriers qualifiés nécessaires au décollage économique et industriel, relève du domaine de l’éducation et plus précisément du sous-secteur de l’enseignement technique et de la formation professionnelle. Le système est caractérisé par une demande de formation technique en pleine croissance, une offre de formation insignifiante et la faible capacité d’accueil mal répartie sur le territoire national. Les coûts d’installation élevés freinent l’ouverture des établissements privés d’enseignement technique industriel et agricole. Le système informel de formation professionnelle très répandu mais sans normes, s’adapte aisément à l’accroissement des populations analphabètes ou déscolarisées.

L’enseignement supérieur tente de régler en vain ses contradictions. En 2001, la carte universitaire s’est améliorée par la création de l’Université de Parakou à côté de celle unique d’Abomey Calavi. Bien d’autres centres universitaires reliés aux deux universités publiques et répartis dans tous les chefs lieux de département sont aménagés. L’effectif des étudiants selon le Ministre chargé de l’enseignement supérieur lors d’une présentation à l’Assemblée nationale, dépasse le nombre de 50 000. Au niveau pédagogique, la faculté des sciences Economiques et de Gestion par exemple, enregistre un nombre d’inscrits en 1ère année de plus 550 étudiants, chiffre bien supérieur à la capacité d’accueil de l’amphithéâtre.

La croissance démographique cloue le développement
En examinant la population au chômage, on s’aperçoit qu’elle est constituée majoritairement de jeunes gens et jeunes filles sans qualification requise. En quête d’un premier emploi ou théoriquement formés pour parler le latin dans un environnement technologique en constante mutation, leur profil ramène l’observateur au sempiternel problème d’inadéquation entre la formation et l’emploi. A y voir de près, on peut sans risque de se tromper, déduire que : plus une société s’élargit, plus ses besoins deviennent difficiles à satisfaire si les mesures correctives ne sont pas prises. L’ensemble des difficultés liées au taux de croissance démographique constitue des ‘’problèmes de population’’. Au nombre de ceux-ci, on peut citer l’effectif pléthorique d’élèves dans les classes. il est donc difficile à la communauté de construire des classes et de recruter des enseignants en nombre suffisant.

Les mesures appropriées
Actuellement, le gouvernement s’attache à comprendre l’ensemble des manifestations liées à l’accroissement des populations pour constituer une expertise apte à produire et à analyser les données relatives à la dynamique urbaine. Depuis quelques années, il recherche les principaux instruments d’observation de la vie sociale pour les adapter aux situations locales dans le cadre du développement sectoriel. La création de l’Observatoire du changement social participe de cette dynamique.
Le pauvre en question

L’importance des mesures permet de distinguer les problèmes de population et ceux de développement. Il s’agit d’interpréter les variables démographiques et leur interdépendance avec d’autres facteurs de croissance économique et social, pour servir de repères à l’élaboration des politiques sectorielles. ‘’Le pauvre en matière de population n’a pas les mêmes dimensions que le pauvre du point de vue du revenu’’. Cette considération en matière de population doit intégrer la stratégie de réduction de la pauvreté, pour donner aux diverses réformes du service public, l’énergie nécessaire à féconder durablement les procédures administratives et à les à renouveler.

C’est bien sur ce chantier que l’aigle de Tchaourou est attendu.