lundi, avril 03, 2006

Les réformes du service public

Etincelles dans la nébuleuse de la bureaucratie

Une pluie de réformes a ruisselée dans les profondeurs de l’administration centrale, en vue d’emporter sur son passage les immondices d'inaptitude professionnelle, de délinquance administrative et d’inefficacité dans la gestion des affaires publiques. Normalement, l’orage aurait pu nettoyer, désinfecter et ranimer les procédures réglementaires obsolètes en orientant les missions de l’Etat vers le résultat et la performance. C’est bien l’émergence de la culture du succès contre ce que le langage populaire appelle ‘’bureaucratie’’ au Bénin qui échoue inexorablement.

L’aigle de Tchaourou appelé dans le silence des urnes, à faire valoir sa dextérité à réussir ce pari de la modernisation de l’administration publique, là où ça piétine, oblige les travailleurs à l'expectative, dans le cadre d'une période de grâce bien limitée.

Pour reconnaître les bienfaits de la bourrasque des reformes du service public, le gouvernement en fin de mandat, réunit en Conseil des ministres du 24 avril 2005, a adopté la création, l’organisation et le fonctionnement des structures de concertation, de coordination et de gestion de la réforme administrative.

Dès lors que le cyclone du changement s’ajoutant aux réformes en cours, forment à présent de lourds nuages qui ne cesseront d’arroser l’administration centrale et de purifier les formalités administratives de tout genre.
Il convient d’éclairer le lecteur sur effets respectifs, en vue de prévenir d’éventuelles confusions :

1.La réforme de la décentralisation se poursuit depuis les élections municipales du 15 décembre 2002. Elle divise le Bénin en 77 communes auxquelles est transférée respectivement la responsabilité de l’éducation de base, des pistes rurales, des services de santé de base, d’approvisionnement en eau et de l’utilisation durable des ressources naturelles.

2.La réforme budgétaire en cours, transfère des compétences considérables aux ministères sectoriels grâce à la fusion du budget de fonctionnement de l’Etat et du budget d’investissement en un seul budget. L’introduction d’une budgétisation axée sur la performance donne lieu à l’élaboration des programmes d’action triennaux suivis de prévisions financières. De même, la création d’une Cour des Comptes autonome relèvant actuellement de la Cour Suprême fait également partie de cette réforme.

3.La réforme de la Fonction publique mettra un terme à la promotion automatique par ancienneté et introduit l’avancement et la rémunération au mérite.

4.La réforme du système judiciaire s’attelle à renforcer l’efficacité du secteur correspondant et à susciter le rapprochement aux justiciables à travers la création de tribunaux de première Instance dans tous les chefs-lieux de département. La création de deux Cours d’Appel supplémentaires est intégrée. La réforme a prévu l’organisation d’un programme de formation continue au profit des juges.

5.La privatisation des sociétés d’Etat limite le rôle du secteur public dans la production en s’appropriant les principes de l’économie libérale.
Force est de constater que la mise en œuvre de l’ensemble des réformes imprègne lentement le quotidien des populations en général et les conditions de travail des travailleurs en particulier. Elle participe de la consolidation de la croissance économique et de la réalisation des stratégies de lutte contre la pauvreté.

L’espoir placé dans le sérieux de la candidature de Thomas Boni Yayi assure le plus grand nombre, acteurs de la société civile, du secteur privé et du service public des changements dans l’organisation du travail.
Bien entendu, la réforme de la fonction publique, la réforme budgétaire, la réforme de la décentralisation et la privatisation des sociétés nationales, ont des effets induits sur la vie sociale.

La logique des reformes
Les efforts à consentir par le prochain gouvernement pour élaborer et mettre en œuvre toutes ces réformes, viseraient à consolider la stabilité macroéconomique, à promouvoir l’emploi, à encourager la participation des populations les plus pauvres, aux activités génératrices de revenus, à lutter contre la corruption, à renforcer la démocratisation et la décentralisation, et, à faciliter l’accès à l’éducation de base, à l’alphabétisation, aux soins de santé primaire et à l’eau potable.

En guise de bilan, les objectifs à atteindre par le gouvernement, aux termes du mandat présidentiel du Général Mathieu KEREKOU, en mars 2006 sont définis comme suit : réduire la part de la population du seuil de la pauvreté de 32 à 24 % dans les zones rurales et de 22 à 19 % dans les zones urbaines, limiter la mortalité infantile à 1,1 %, assurer l’accès à l’eau potable à 48 % des zones rurales et favoriser l’accès à l’école de base à 87 % des Béninois.

Qu’en est-il de ces promesses sans lendemain ?
La logique des reformes procède de la réalisation d’un cadre favorable à l’émergence du secteur privé en vue de promouvoir l’investissement aux niveaux international et national. Cependant, le constat d’une faiblesse nationale en matière de compétence professionnelle pose le problème de l’éducation considéré ici comme un facteur essentiel de la stratégie de lutte contre la pauvreté.

Situation de l’éducation au Bénin
Au Bénin, l’éducation privilégie l’élite au détriment des autres couches de la population. L’insuffisance des structures d’encadrement de la population à scolariser et l’analphabétisme prononcé donnent lieu à la présence chaque année sur le marché de l’emploi d’une majorité de Béninois sans éducation formelle et sans qualification requise. Cette réalité contraste avec la minorité d’élites bien formées et initiées aux valeurs de la civilisation moderne. Les effets négligeables de la contribution du secteur de l’éducation, freinent le développement économique en général et celui de l’agriculture, de la santé, de l’artisanat, du tourisme et de l’innovation technologique en particulier,
Les réformes en cours vise à soutenir la stratégie de lutte contre la pauvreté qui prévoit des actions insistantes en matière d’éducation. En réalisant un état des lieux, on peut comprendre les mesures adoptées et mises en œuvre par le gouvernement.

Le ministère de l’enseignement primaire et secondaire s’est fixé pour objectif de donner une éducation appropriée à tous les enfants béninois en prenant au sérieux le problème de l’accroissement rapide de la population et les différentes solutions politiques correspondantes. A ce titre, l’exonération à 100 % des droits d’écolage est une réalité en faveur des jeunes filles dans les établissements d’enseignement primaire public, localisés dans les zones rurales, telles que définies par le découpage territorial en vigueur au Bénin. Cette mesure sociale décrète que toutes les filles des milieux ruraux en âge scolarisable doivent être inscrites sans paiement de droit d’écolage.

La formation de techniciens compétents et d’ouvriers qualifiés nécessaires au décollage économique et industriel, relève du domaine de l’éducation et plus précisément du sous-secteur de l’enseignement technique et de la formation professionnelle. Le système est caractérisé par une demande de formation technique en pleine croissance, une offre de formation insignifiante et la faible capacité d’accueil mal répartie sur le territoire national. Les coûts d’installation élevés freinent l’ouverture des établissements privés d’enseignement technique industriel et agricole. Le système informel de formation professionnelle très répandu mais sans normes, s’adapte aisément à l’accroissement des populations analphabètes ou déscolarisées.

L’enseignement supérieur tente de régler en vain ses contradictions. En 2001, la carte universitaire s’est améliorée par la création de l’Université de Parakou à côté de celle unique d’Abomey Calavi. Bien d’autres centres universitaires reliés aux deux universités publiques et répartis dans tous les chefs lieux de département sont aménagés. L’effectif des étudiants selon le Ministre chargé de l’enseignement supérieur lors d’une présentation à l’Assemblée nationale, dépasse le nombre de 50 000. Au niveau pédagogique, la faculté des sciences Economiques et de Gestion par exemple, enregistre un nombre d’inscrits en 1ère année de plus 550 étudiants, chiffre bien supérieur à la capacité d’accueil de l’amphithéâtre.

La croissance démographique cloue le développement
En examinant la population au chômage, on s’aperçoit qu’elle est constituée majoritairement de jeunes gens et jeunes filles sans qualification requise. En quête d’un premier emploi ou théoriquement formés pour parler le latin dans un environnement technologique en constante mutation, leur profil ramène l’observateur au sempiternel problème d’inadéquation entre la formation et l’emploi. A y voir de près, on peut sans risque de se tromper, déduire que : plus une société s’élargit, plus ses besoins deviennent difficiles à satisfaire si les mesures correctives ne sont pas prises. L’ensemble des difficultés liées au taux de croissance démographique constitue des ‘’problèmes de population’’. Au nombre de ceux-ci, on peut citer l’effectif pléthorique d’élèves dans les classes. il est donc difficile à la communauté de construire des classes et de recruter des enseignants en nombre suffisant.

Les mesures appropriées
Actuellement, le gouvernement s’attache à comprendre l’ensemble des manifestations liées à l’accroissement des populations pour constituer une expertise apte à produire et à analyser les données relatives à la dynamique urbaine. Depuis quelques années, il recherche les principaux instruments d’observation de la vie sociale pour les adapter aux situations locales dans le cadre du développement sectoriel. La création de l’Observatoire du changement social participe de cette dynamique.
Le pauvre en question

L’importance des mesures permet de distinguer les problèmes de population et ceux de développement. Il s’agit d’interpréter les variables démographiques et leur interdépendance avec d’autres facteurs de croissance économique et social, pour servir de repères à l’élaboration des politiques sectorielles. ‘’Le pauvre en matière de population n’a pas les mêmes dimensions que le pauvre du point de vue du revenu’’. Cette considération en matière de population doit intégrer la stratégie de réduction de la pauvreté, pour donner aux diverses réformes du service public, l’énergie nécessaire à féconder durablement les procédures administratives et à les à renouveler.

C’est bien sur ce chantier que l’aigle de Tchaourou est attendu.